A la fin des années 80, un programme de recherche pluridisciplinaire mené dans le cadre d’une convention entre l’unité 292 de l’Inserm et le Ministère du travail avait pour objectif l’étude des processus de déclaration et reconnaissance en maladie professionnelle. A travers une série de monographies, cette recherche montrait - pour les cancers plus encore que pour toute autre maladie professionnelle - que les dysfonctionnements du système de réparation des maladies professionnelles font obstacle non seulement à la reconnaissance, mais à la connaissance et à la prévention des atteintes liées au travail. Le choix de la monographie comme outil d’étude indiquait l’importance du contexte local, tant du point de vue de l’organisation sociale du travail et de la production que pour l’observation des pratiques et logiques institutionnelles dans la mise en œuvre de dispositifs réglementaires. La recherche a permis la mise en évidence de logiques propres à chaque contexte local, tout en en dégageant des résultats de portée généralisable.
Depuis lors, la Cour des comptes, l’IGAS, le Plan cancer, le Plan santé-travail ont à maintes reprises évoqué les carences et dysfonctionnements du système de réparation et de prévention des risques professionnels, en particulier en matière de cancer, et réaffirmé constamment la nécessité d’entreprendre des recherches visant la production de connaissances sur les cancers liés au travail et sur les processus d’échec des dispositifs de réparation et de prévention inscrits dans la réglementation française et européenne depuis plus de vingt ans.
L’une des monographies du programme de recherche précédemment cité portait sur la sous-déclaration des cancers professionnels et les obstacles à la connaissance des expositions professionnelles aux cancérogènes en Seine-saint-Denis, recherche menée avec le soutien et la participation des services d’études du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis. Cette démarche a été à l’origine de la création d’un groupe de travail du Conseil Départemental d’Hygiène (CDH) sur les cancers professionnels réunissant les chercheurs concernés, l’université Paris-13 et les institutions de santé publique et de santé au travail du département de la Seine-Saint-Denis et de la région Ile-de-France. En 1998, après la réalisation d’une étude de faisabilité, le CDH a approuvé la création d’un dispositif de recherche en santé publique sur les cancers liés au travail, dans le cadre de l’université Paris-13, prenant appui sur une collaboration entre chercheurs et professionnels de la santé publique et de la santé au travail.
Entre cette décision et la présente convention constitutive d’un GISCOP 93, a été élaboré un programme de recherches prospectives sur la connaissance des expositions professionnelles aux cancérogènes de patients atteints de cancer, sur la différenciation des processus de reconnaissance en maladie professionnelle et sur les règles et pratiques de la prévention des cancers liés au travail. Ce programme prend appui sur des outils méthodologiques originaux faisant appel à différentes disciplines dans le champ de la santé et du travail.
Il s’agit de :
- une enquête permanente qui s’est faite pendant de longues années dans trois hôpitaux de la Seine-Saint-Denis, en particulier le CHU Avicenne, hôpital de référence pour l’oncologie et l’hématologie ;
- une méthode d’identification des expositions professionnelles aux cancérogènes qui combine la reconstitution des parcours professionnels de patients atteints de cancer au plus près de l’expérience de l’activité de travail de ces derniers et un dispositif d’expertise de ces parcours ;
- une enquête prospective de suivi de la déclaration et de la reconnaissance des cas indemnisables, dans le cadre d’une collaboration avec la CPAM de la Seine-Saint-Denis, permettant l’analyse des pratiques médicales et administratives de la déclaration et de la reconnaissance en référence aux règles du système de réparation des maladies professionnelles ;
- une démarche de sociologie compréhensive visant l’identification des obstacles à la mise en œuvre des dispositifs réglementaires concernant la prévention des cancers professionnels, au plus près des pratiques des acteurs de prévention.