• Reconstitution du parcours professionnel par un entretien « biographique » : activité réelle de travail
  • Expertise collective: identification et qualification des expositions cancérogènes
  • Préconisation ou non d’un Certificat médical initial (CMI) en maladie professionnelle
  • Suivi des démarches de reconnaissance en maladie professionnelle: information, orientation, accompagnement

Ces travaux concluent à la nécessité de mettre en place un dispositif permanent de surveillance des cancers d’origine professionnelle, sous la forme d’une recherche action.

Il s’agit d’une recherche qui fait progresser la connaissance des cancers liés au travail par l’identification des expositions cancérogènes professionnelles, favorise leur réparation par un appui à leur déclaration en maladie professionnelle, et vise, à terme, la disparition de ces “maladies éliminables”.

La méthodologie retenue est innovante dans le champ scientifique à plus d’un titre. Elle s’inscrit dans une recherche de longue durée et se dote d’outils et d’approches en rapport avec la singularité du cancer d’origine professionnelle : celui-ci ne se distingue pas, dans ses caractéristiques cliniques et pathologiques, d’un autre cancer ; tout comme lui, il ne peut être rattaché à une seule et unique cause mais résulte d’une histoire ; enfin, il survient plusieurs décennies après les expositions aux cancérogènes, rendant d’autant plus compliquée leur identification.

Plutôt que de mettre l’accent sur un secteur d’activité particulier ou un type de risque cancérogène, la recherche s’appuie sur la constitution et le suivi d’une cohorte de patients atteints de cancer. En collaboration étroite avec des médecins de trois hôpitaux de Seine-Saint-Denis – le CHU Avicenne à Bobigny (service d’oncologie), le Centre hospitalier intercommunal du Raincy-Montfermeil (service d’oncologie et de pneumologie) et l’hôpital Robert Ballanger d’Aulnay-sous-Bois (service de pneumologie) – l’enquête est proposée à tous les patients hospitalisés, résidant dans le département, dont le cancer vient d’être diagnostiqué et dont les localisations cancéreuses primitives sont les plus susceptibles d’être d’origine professionnelle : le poumon, la plèvre (mésothéliome malin ou autres tumeurs), la trachée, la vessie, les voies urinaires, le rein ou la sphère ORL (sinus de la face, larynx).

Sur la base de leur consentement éclairé, il est proposé à chaque patient un entretien de reconstitution de son parcours professionnel.
Le questionnement n’est pas orienté vers les produits et les risques – des études préalables ayant démontré qu’ils étaient souvent ignorés – mais vers une description la plus fine possible des gestes, des procédés de travail, de l’environnement, des protections…

Ces informations sont ensuite soumises à l’expertise de personnes qui, compte tenu de leur formation spécifique et de leur expérience professionnelle, sont en mesure d’identifier les expositions à des agents reconnus cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l’Union européenne ou la littérature scientifique. Fiche-expositions-pour- expertise

Ainsi, si l’enquête recourt, pour l’analyse quantitative, aux classiques catégories socio-professionnelles et à la nomenclature des activités, elle tend également à rendre visible, dans une approche qualitative, l’activité de travail « réelle », qui ne correspond à aucune catégorie établie: elle permet ainsi de documenter certaines situations de travail exposantes, souvent mouvantes, les phénomènes de sous-traitance, d’intérim, difficilement observables autrement.

La méthodologie d’évaluation des expositions s’éloigne des approches de type matrices emplois-expositions par la description fine des parcours sur laquelle elle se fonde, par l’individualisation et le caractère pluridisciplinaire de l’expertise qui y est appliquée, mais aussi par le grand nombre d’agents cancérogènes examinés à chaque poste de travail.

L’approche mise en œuvre, au croisement de plusieurs disciplines (sociologie, épidémiologie, ergo-toxicologie), revêt au final deux dimensions, l’une rétrospective, et l’autre prospective. La survenue du cancer est considérée comme un événement « sentinelle » qui invite, d’une part, à reconstituer rétrospectivement le parcours professionnel de la personne pour identifier et qualifier les éventuelles expositions à des cancérogènes et, d’autre part, à accompagner prospectivement ses démarches de déclaration en maladie professionnelle pour analyser les logiques du système de réparation. Du point de vue interventionnel, le dispositif fonctionne ainsi comme un dispositif de rattrapage permettant la mise en visibilité et l’accompagnement de patients qui n’auraient, dans leur grande majorité, pas été orientés vers une consultation de pathologie professionnelle.